Vendredi 24 mars 2017 - 9h00 au Samedi 25 mars 2017 - 16h30
L’histoire de la sexualité a connu pendant les dernières décennies un développement considérable, qui a été accompagné par une rapide multiplication des angles d’approche et des méthodes de recherche. Toutefois, si le succès des démarches d’inspiration culturelle a été retentissant, nous constatons une certaine difficulté à se renouveler dans le domaine de l’histoire sociale.
Depuis les ouvrages fondateurs de Philippe Ariès, de Jean-Louis Flandrin ou de Michel Foucault, les historien-ne-s se sont souvent interrogé-e-s sur les rapports entre le domaine de la sexualité et les pouvoirs en place. Toutefois, ils/elles l’ont le plus souvent fait de façon très générale, à un niveau très élevé d’abstraction, en proposant - à l’instar de Foucault ou de Thomas Laqueur - des modèles macro-historiques qui se souciaient peu des différences de classes ou des pratiques de groupes spécifiques. Par ce biais les femmes et les hommes concrètement impliqués dans des relations sexuelles tendaient à s’effacer ou à apparaître uniquement comme objets de politiques étatiques, de discours savants ou bien comme des masses réagissant aux évolutions économiques ou sociales. Cela vaut en particulier pour les femmes et les hommes des groupes populaires, pour lesquels les sources sont rares et le plus souvent fragmentaires.
Cette orientation a eu entre autres pour conséquence de négliger les différences entre cultures sexuelles locales, influencées par des facteurs économiques, sociaux, mais aussi politiques, religieux et culturels différents.
De l’autre côté, plusieurs études récentes en histoire, en sociologie et anthropologie ont mis en lumière les interconnexions entre confessions ou idéologies politiques et comportements sexuels, par exemple dans le domaine de l’adoption de la contraception ou des comportements illicites. Comment pouvons-nous approfondir la réflexion sur le rapport entre sexualité, politique et religion, en tenant compte du patrimoine culturel, des expériences et des désirs des acteurs et actrices?
D’un autre point de vue, la sexualité a depuis toujours été liée à certaines conceptions et à certaines pratiques de la famille et de la parenté, qui ont foncièrement des implications politiques et religieuses. Comment pouvons-nous conceptualiser les relations entre ces différents domaines historiques ?
Notre colloque a comme objectif de relancer la réflexion sur les rapports entre politique, religion, parenté et sexualité dans toute leur complexité, en privilégiant une dimension sociale du domaine sexuel, c’est-à-dire en tenant compte des pratiques des groupes observés, de leurs conditions de vie concrètes ainsi que des stratégies subjectives déployées par les acteurs-actrices de la vie sexuelle. Dans cette perspective il est légitime de se demander dans quelle mesure certains comportements sexuels non conformes ou « déviants » ont été des moteurs d’innovations sociales, politiques ou culturelles.
La réflexion autour des articulations entre sphère politique-religieuse et comportements sexuels ne considère donc pas uniquement les interventions de l’Etat ou des Eglises sur les populations - du haut vers le bas - mais devrait mettre en lumière les effets concrets des politiques institutionnelles sur des groupes choisis, en s’interrogeant également sur les interactions entre comportements sociaux, conceptions populaires et action des pouvoirs.
Cette perspective devrait en même temps tenir compte de la diversité des contextes historiques et sociaux, des classes et des milieux.