Destins croisés – Vies parallèles. L'actualité d'Henry Dunant et de Gustave Moynier.

Colloque organisé les 14, 15 et 16 octobre 2010, au Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge par L'Association Henry Dunant Gustave Moynier 1910-2010.

Le colloque entend mettre en lumière la complémentarité des deux fondateurs de la Croix-Rouge, leur coopération et leurs oppositions, ainsi que l’actualité de leur message.

JEUDI 14 OCTOBRE 2010

Christian Müller (Unige, Genève) - "Des humanités à l'humanitaire"

En cherchant à comprendre les raisons qui ont dirigé Dunant et Moynier sur la voie de la philanthropie, Christian Müller dresse un tableau du système éducatif genevois à la moitié du XIXe siècle. L’existence de deux filières, une « classique », orientée vers les professions libérales et la philanthropie, et l’autre « moderne » proposant des matières nouvelles et industrielles, renforce l’écart entre la petite/moyenne bourgeoisie et l’élite conservatrice, ce qui permet à cette dernière de préserver une forme de société de type oligarchique.


Frédéric Amsler (Unil) - "Deux regards sur la Bible"

A la lecture de la « biographie biblique de l’apôtre Paul » écrite par Moynier en 1859, le théologien interroge les convictions religieuses du fondateur de la Croix-Rouge. De ce texte, impersonnel et dénué d’ambitions critiques, il ressort un esprit convaincu, effacé, exprimant le besoin de se réfugier derrière la figure biblique ou l’autorité institutionnelle. C’est un trait de caractère qui le différenciera profondément de Dunant.


Françoise Dubosson (HEG, Genève) - "Les maîtres à penser d'une action commune"

L’Historienne dresse deux portraits fondamentalement différents des deux fondateurs de la Croix-Rouge : La personnalité de Dunant, prêt à perdre la liberté pour sa foi, désignant l’importance de l’action et de la prise de risque, contraste avec celle de Moynier qui, méthodique, respectueux des institutions, trouvera en quelque sorte réponse à ses questions à travers les sociétés de prévoyance.


Olivier Perroux (Unige) - "Bourgeoisie genevoise et milieux d’affaires"

A l’analyse de testaments, déclarations de succession et contrats de mariage datant du XIXe, l’historien nous livre l’image d’une bourgeoisie genevoise en « toile d’araignée », formant un immense réseau familial, solidaire, dont les affaires nombreuses impliquent toute la famille. Selon Olivier Perroux, le départ de Dunant de Genève peut être motivé par son propre déshonneur : sa dette étant partagée entre tous les membres de fratrie à la suite du décès de son père.


Serge Paquier (Uni. Saint-Étienne) - "De la Fabrique à l’humanitaire"

Serge Paquier met en évidence la convergence qui apparaît au XIXe siècle entre les idées et leur mise en pratique sur le terrain. C’est la volonté de créer un modèle de société, orientée cette fois vers la recherche de solutions concrètes qui donnera naissance à l’esprit humanitaire.



Catherine Santschi (Archives d'État, Genève) - "La Société genevoise d’utilité publique"

Catherine Santschi dresse un portrait de la Société genevoise d’utilité publique, « cadre dans lequel est inscrite l’essence la Croix-Rouge » et qui avait Moynier pour Président. C’est en quelque sorte l’ouverture de la société vers l’extérieur, notamment lors de sa participation à différents congrès de bienfaisance qui préparera Moynier à une œuvre internationale.


Bernard Lescaze (Historien, Genève) - "Le pouvoir politique face à la naissance de l’humanitaire à Genève"

Cherchant réponse dans les archives du journal de Genève et les mémoriaux du Grand Conseil, l’historien s’interroge sur la relation entre pouvoir politique et l’humanitaire. Il met en évidence une droite démocrate oeuvrant pour la résolution des conflits et le secours aux blessés de guerre, face à une gauche radicale, pacifiste et engagée pour la cause des réfugiés politiques.

VENDREDI 15 OCTOBRE 2010

François Bugnion (CICR) - "La fondation de la Croix-Rouge : une rencontre providentielle"

François Bugnon s’attache à mettre en évidence la divergence de personnalités de Dunant et Moynier et leur grande complémentarité qui ont rendu possible la constitution de la Croix-Rouge.


Roger Durand (Historien, Genève) - "Du duo au duel : deux stratégies de communication"

Roger Durant revient sur les stratégies de communication dont vont faire usage les deux fondateurs de la Croix-Rouge : par la fondation et la fréquentation de nombreuses sociétés, Dunant et Moynier, de diverses manières, ont pu mettre en pratique leurs projets et surtout se constituer un immense réseau. Particulièrement prolixes, leurs publications ont traversé les frontières et s’attachent à des thématiques extrêmement différentes.


Corinne Chaponnière (Historienne, Genève) - "Le rôle des femmes dans le lancement du mouvement humanitaire"

Trois types d’influences attribuées aux femmes sont relevés dans cet exposé de Corinne Chaponnière : les inspiratrice, ou les grandes dames de la philanthropie, qui précèdent les fondateurs de la Croix Rouge ; les femmes, qui, par leur nom et titres, donnent crédit aux ambitions de Dunant et Moynier ; enfin, les femmes comme actrices, qui, selon Moynier, par leur vocation maternelle sont « prédestinées au lit des malades et des moribonds ».


Bruce Biber (CICR) - "La Croix-Rouge et les activités du temps de paix : une nouvelle vocation ?"

Bruce Biber évoque le long chemin parcouru par la Croix-Rouge avant de s’ouvrir à un champ plus large prenant en compte les activités en temps de paix. Ce parcours peut être compris à la lecture du décalage entre les sociétés nationales et le CICR.


Irène Hermann (Unifr) - "Les pouvoirs politiques suisses face à la naissance de la Croix-Rouge"

Irène Hermann interroge les relations entre les autorités politiques suisses et le CICR. Son exposé relève l’investissement de la Suisse dans cette œuvre afin de s’attribuer un rôle humanitaire et donner corps à la neutralité helvétique.


Véronique Harouel (Uni. Paris VIII) - "Le regard de la France sur Henry Dunant et Gustave Moynier"

Véronique Harouel donne un compte rendu détaillé des relations entre la France et les deux fondateurs de la Croix-Rouge. Elle met en évidence l’attachement bienveillant qu’affiche la France envers Dunant, même après son éviction de la Croix-Rouge et son départ de Genève. Le contact avec Moynier, personnage peu francophile, est quant à lui plus difficile et plus méfiant, mais évoluera cependant.


Marek Kornat (Uni. Varsovie) - "La Russie et la Conférence de Bruxelles en 1874"

L’historien met en évidence le rôle de la Russie dans la propagation du droit international. Il énonce les étapes qui la conduisirent aux conférences de Bruxelles et de la Haie, ainsi que la contribution du pays à l’élaboration des Conventions de la Haie.


Isabelle Vonèche Cardia (Uni. Paris X) - "La protection des prisonniers de guerre"

La question de la protection de prisonniers de guerre est à nouveau abordée par la mise en évidence de la complémentarité entre Dunant et Moynier. Les deux fondateurs de la Croix-Rouge vont chacun leur tour jouer un rôle pour l’adoption d’une réglementation internationale.

SAMEDI 16 OCTOBRE 2010

Matthias Schulz (Unige) - "Gustave Moynier, Henry Dunant, le mouvement de la Croix-Rouge et le pacifisme, 1863-1909"

En insistant sur leurs similarités et leurs différences, Mathias Schulz interroge les relations entre la Croix-Rouge et le mouvement pacifiste. Il revient également sur les positions de Dunant et de Moynier face à ceux qui les accusent de favoriser la guerre au lieu de la condamner.


Kristina Lovric (Max Plank Institut, Frankfurt) - "L'arbitrage international et la fondation de l’Institut de droit international"

Le débat concernant l’arbitrage international et la fondation de l’institut du droit international est ici abordé par Kristina Lovric. L’historienne détaille ce départ initié par Dunant et Moynier et qui se verra concrétisé par l’Affaire de l’Alabama.


Tony Pfanner (Revue int. de la Croix-Rouge, Genève) - "Vers une juridiction pénale internationale"

Actualisant ses propos, Toni Pfanner évoque les efforts de Moynier pour une l’établissement d’une juridiction pénale internationale. Suivant timidement le juriste dans son combat, le CICR renoncera finalement à cette proposition.


Claude Lützelschwab (Unine) - "L'aventure coloniale d’Henry Dunant en Algérie"

Claude Lützelschwab interroge les activités coloniales de Dunant en Algérie - son travail pour la Compagnie genevoise des colonies suisses de Sétif, puis la création de la Société des Moulins du Mons Djémila - pour en conclure qu'elle se situent dans la droite ligne de la politique coloniale française de l'époque.


Etienne Deschamps (Uni. catholique de Louvain) - "L’Afrique explorée et civilisée : Gustave Moynier, compagnon du projet colonial du roi Léopold II de Belgique"

Etienne Deschamps retrace le parcours de Moynier comme compagnon de route du projet colonial belge. Enthousiasmé par la "philanthropie" affichée du projet, ce dernier va fonder une revue, promouvoir l'internationalisation du fleuve Congo et devenir le premier ambassadeur du Congo belge.


Matteo Campagnolo (MAH, Genève) - "Honneurs et médailles"

Matteo Campagnolo présente les différentes médailles et honneurs reçus par les deux fondateurs de la Croix-Rouge. Cet exposé illustre la course aux honneurs qui fait foi au XIXe siècle et la manière de Dunant et de Moynier de les arborer.


Peter Van Den Dungen (Bradford University) - "Bataille autour du premier prix Nobel de la paix"

Plutôt que de bataille, le professeur qualifierait de campagne le parcours de Dunant jusqu’à l’obtention du prix Nobel de la paix. Cette dernière dura plusieurs années, durant lesquelles les amis de Dunant s’engagèrent corps et âme. De son côté, Moynier, déterminé à gagner le prix, présenta sa candidature à plusieurs reprises.



Philip Rieder (Unige) - "Les enjeux des corps défaillants"

Spécialisé en histoire de la médecine, Philip Rieder interroge la santé de Dunant de manière à pouvoir tirer des conclusions sur son parcours. On découvre, dans ses lettres familiales et autres textes autobiographique, un personnage très émotif à tendance mélancolique, qui verra son état de santé se détériorer après sa faillite.


Daniel Palmieri (CICR) - "Le contraste des destinées posthumes"

Daniel Palmieri cherche à mettre en lumière les méchanismes de mémoire collective qui ont fait de Dunant, une fois réhabilité, un objet de culte et de célébration tandis que Moynier est totalement tombé dans l’oubli. Ce phénomène est notamment dû à la popularité de Dunant et à son assise dans l’opinion publique internationale.


Yves Daccord (CICR) - "Dunant et Moynier aujourd’hui et demain"

Yves Daccord met évidence la récupération de l’image de Dunant pour les nombreuses opérations de communication de la Croix-Rouge. Si, grâce à la modernité de son image, l’actuel directeur du CICR assure un avenir radieux à Dunant, il reste plus vague en ce qui concerne Moynier.